Voyage au coeur de la collection Fina Gomez

Essai par Antoinette Faÿ-Hallé

Fina Gomez (1929-1997) fut une grande dame d’origine vénézuélienne ; elle a vécu dans l’opulence avant de connaître des revers de fortune : la source de ses revenus s’était tarie en raison de l’évolution politique de son pays. Mais collectionneuse elle était, collectionneuse elle est restée. Son jugement était très sûr : sa collection en porte témoignage. Ayant beaucoup voyagé, elle a regardé et aimé des objets de diverses provenances, qui ont en commun un point capital : ils illustrent parfaitement le triomphe du grès. On sait que dans les années 1965-1970 les céramistes se sont équipés de nouveaux fours pour cuire à haute température des terres ainsi rendues imperméables. Techniquement, ce n’était pas une nouveauté, on en faisait depuis le Moyen-Âge, mais l’influence du livre de B. Leach, A potter’s book était forte ; il y explique comment s’inspirer des grès chinois ou japonais. Cet ouvrage, paru à Londres en 1940, relevait du mythe, presque personne ne l’avait lu, mais rien n’est plus efficace que les mythes, et il fut enfin traduit en français en 1973.

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Ce sont des dames qui ont introduit Fina Gomez à l’art de la céramique, d’abord son amie Cristina Merchan, elle-même céramiste vénézuélienne qui la présenta à Francine Del Pierre. Cette dernière n’a jamais fait que de la faïence, mais une faïence unique en son genre : son émail bleuté ou marron clair est d’une délicatesse inouïe. Elle est morte en 1968, alors qu’elle attendait la livraison de son four à grès. Puis Fina rencontra les grands maîtres : Bernard Leach et son ami japonais, Shoshi Hamada. Ce dernier n’a jamais marqué ses pièces et pour les identifier on ne peut que se fier à leur provenance : celle dite « ancienne collection Fina Gomez » est l’une des plus sûres qui soit. Dans le Berry, elle découvrit le village de La Borne, où la tradition du grès utilitaire s’était conservée ; elle y acquit des grès bruts d’Élisabeth Joulia, d’Yves Mohy, d’Éric Astoul et des grès émaillés bleus de la danoise Anne Kjaersgaard. Ces pièces n’ont pas l’aspect lisse caractéristique de la production de ce temps. Les vases de Robert Deblander en sont l’incarnation : des formes au design impeccable, des couvertes subtiles, animées par des taches de pyrites.

Pendant au moins une quinzaine d’années (vers 1970-vers 1985), les grès émaillés se sont multipliés, chaque artiste en donnant sa version. Daniel de Montmollin en est l’un des maîtres majeurs, grâce à ces pots parfaitement conçus, ces émaux à la cendre qu’il compose en calcinant des végétaux. Claude Champy, crée lui des formes puissantes et les couvre de deux émaux posés à la louche, un noir et un blanc. Il jette du sel dans le four, ce qui produit de petites étoiles dorées disséminées sur la couverte dont le blanc prend parfois de délicates teintes roses.

Fina Gomez avait donc commencé sa collection avec, entre autres, les faïences de Francine Del Pierre, puis s’est plongée avec bonheur dans l’accumulation raisonnée des grès qui ont constitué l’essentiel de la production des années 1970. Loul Combres mêle les terres et monte ses pièces au colombin pour les doter d’un contour vivant.

Ainsi Fina Gomez a-t-elle accompagné l’évolution d’une céramique qui avait adopté l’abstraction qui dominait alors la peinture, pour s’intéresser surtout aux effets de surface rendus possibles grâce aux cuissons à haute température. Lorsque, cerise sur le gâteau fréquemment rencontrée dans cette collection, les formes sont belles, la perfection est atteinte.

Antoinette Faÿ-Hallé
Conservateur général honoraire
Ancien directeur du musée national de Céramique, Sèvres

VENTE AUX ENCHÈRES

Collection Fina Gomez : 30 ans de Céramiques Contemporaines, Partie III

1-10 juillet | Online, Paris