Artist 101

Max Ernst

Max Ernst est l'un des artistes les plus importants du XXe siècle. Tout au long de sa carrière, qui s'étend des années 1910 à sa mort en 1976, il a expérimenté une grande palette de styles et de mouvements d'avant-garde, dont le courant Dada.  

Mais si Max Ernst était un touche-à-tout, l'histoire retient sans aucun doute ses contributions extraordinaires au mouvement surréaliste, dont il était l'un des principaux défenseurs. En raison de sa production prolifique, qui englobe la peinture, la sculpture et le collage, il a souvent été surnommé « le surréaliste complet ». À juste titre, il est l'une des vedettes de notre prochaine vente La Révolution Surréaliste, qui aura lieu à Paris le 29 mars 2023.

Nous explorons ici la vie et l'œuvre, souvent très intimement liées, de cet artiste fascinant. 

1.

Introduction au surréalisme 

Max Ernst est né en 1891 dans la ville de Brühl, en Allemagne, dans une famille catholique de la classe moyenne. Il était le troisième de neuf enfants. Son père, qui mêlait discipline stricte et goût pour l'art, a eu une énorme influence sur sa vie et sa carrière. 

Max Ernst n'a reçu aucune formation artistique officielle et s'est inscrit à l'université de Bonn en 1909 pour étudier la philosophie, l'histoire de l'art, la littérature et la psychologie. Au cours de cette période, il visite des hôpitaux psychiatriques et développe une fascination pour l'art créé par des patients. S'il abandonne son cursus en 1911 pour se consacrer à l'art, ses années universitaires ont un impact durable sur sa vision créatrice : c'est là qu'il se familiarise avec des piliers du courant surréaliste, comme la théorie de la psychanalyse de Freud. 

L'année 1912 marque le lancement de sa carrière d’artiste. Il assiste à l'exposition du Sonderbund à Cologne, où il découvre les œuvres de Cézanne, Munch, Picasso et Van Gogh. Il commence aussi à exposer ses propres œuvres lors d'une exposition collective à la galerie Feldman. 

En 1914, Ernst rencontre l'artiste et poète Hans Arp, qui devient alors son ami et collaborateur de toujours. Cet été-là marque aussi le début de la Première Guerre mondiale, et l'artiste est contraint de rejoindre l'armée allemande : c'est pour lui un profond traumatisme. Dans son autobiographie, il écrit de façon révélatrice : « Max Ernst est décédé le 1er août 1914. Il revient à la vie le 1er novembre 1918 en tant que jeune homme qui aspire à découvrir les mythes de son époque. » 

2.

Premières années artistiques et dadaïsme

Avant la guerre, son art adhère au style expressionniste. Mais suite au traumatisme des tranchées, sa vision change : le monde moderne lui semble soudain profondément absurde. Il se rapproche rapidement du mouvement dadaïste naissant, dont les idéaux anti-esthétiques et anti-autoritaires résonnent avec son désenchantement existentiel. 

Portées par un premier manifeste Dada publié en 1916 par Hugo Ball à Zurich, puis un second manifeste signé de la main de Tristan Tzara en 1918, les idées et les pratiques du mouvement commencent à trouver un écho en Europe : des groupes Dada se forment et des expositions essaiment les villes du continent. Ce courant finit par atteindre New York grâce à des émigrés de guerre. 

En 1920, Ernst lance le groupe Dada de Cologne avec Hans Arp. Il commence à se faire appeler « Dadamax Ernst » et à expérimenter les collages, dans lesquels il juxtapose des images apparemment aléatoires de manière irrationnelle. L'artiste donne souvent à ces œuvres de longs titres absurdes qui ne font que désorienter davantage les spectateurs. Ses travaux traduisent souvent l'agressivité et la nature destructrice du genre humain, créant un sentiment de malaise funeste, comme dans son photomontage Le poisson et le vapeur (1920). Même après avoir pris ses distances avec le dadaïsme, Max Ernst restera un adepte de la technique du collage, vers laquelle il ne cessera de revenir. 

3.

Le surréalisme

Ernst découvre le surréalisme en 1921, lors de sa rencontre avec Paul Éluard et André Breton. Un an plus tard, il s'installe à Paris et, encouragé par son amitié avec ces deux artistes, développe un intérêt pour la psychanalyse et l'inconscient, explorant les fantasmes humains et la manière de les représenter. Il puise l'inspiration dans ses rêves et ses souvenirs d'enfance, en particulier ceux mettant en scène son père. L'influence des travaux de Freud est clairement visible dans son tableau Œdipe Roi de 1922, l'un des plus illustres de sa carrière. En 1924, Max Ernst fait partie du groupe qui lance le Manifeste du surréalisme dirigé par André Breton, consolidant un peu plus sa position au sein du mouvement. 

L'automatisme, pilier du surréalisme qui consiste à renoncer au contrôle artistique pour céder à des états inconscients, a joué un rôle crucial dans l'évolution artistique de Max Ernst. Ses expérimentations avec divers matériaux, combinées à son intérêt pour la libre association, l'amènent à découvrir un certain nombre de nouvelles techniques. En 1925, il développe par exemple le « frottage », qui consiste à placer du papier sur un matériau texturé, comme le grain du bois, et à passer dessus un crayon pour créer des effets de texture. Cette technique est devenue populaire parmi les adeptes du surréalisme, car elle reposait sur le hasard plutôt que sur l'esprit conscient. Ernst lui-même décrivait la manière dont il « assistait en tant que spectateur à la naissance de toutes [ses] œuvres ». En 1927, il développe dans la même veine la technique dite du « grattage », qui consiste à racler la peinture mouillée sur la toile pour créer des textures et des formes inattendues. 

La mythologie grecque, leitmotiv de la pensée psychanalytique de Freud, est aussi un thème central dans l'œuvre de Max Ernst et des membres du surréalisme. En 1933, à l'occasion de la publication du premier numéro de la grande revue surréaliste Minotaure, Ernst peint Méduse circonflexe, une œuvre illustrant les grands motifs surréalistes de l'artiste, vendue 312 750 £ chez Bonhams en mars 2022. Son titre déroutant fait à la fois allusion au mythe grec de Méduse et à la créature aquatique du même nom ; la figure abstraite quant à elle, formée de subtiles textures de grattage qui semblent palpiter de vie, ne fait rien pour dissiper cette ambiguïté. Les spectateurs sont invités à laisser libre cours à leur imagination. 

4.

Une vie en Arizona

La vie amoureuse de Max Ernst était riche et intense : il avait manifestement soif de trouver une partenaire qui serait son égale sur le plan créatif et avec laquelle il pourrait partager une vie consacrée à l'art. Après trois mariages ratés – avec l'historienne de l'art, artiste et écrivaine Luise Straus, la peintre Marie-Berthe Aurenche et la collectionneuse d'art Peggy Guggenheim – et de brèves idylles avec Paul Éluard, sa première épouse Gala et l'artiste surréaliste Leonora Carrington, il rencontrera finalement la grande artiste surréaliste Dorothea Tanning. Mariés en 1946, ils ne se quitteront plus jamais. 

Ensemble, ils déménagent à Sedona, dans l'Arizona, où ils restent sept ans avant de rentrer en France. Les paysages montagneux et désertiques de cet état américain exercent une influence déterminante sur les œuvres ultérieures d'Ernst, qui dépeignent ces reliefs accidentés et quasi extraterrestres dans des tons bruts et bruns. Cette nouvelle obsession de Max Ernst pour les paysages est toutefois tout sauf traditionnelle : loin d'être des représentations réalistes, ses œuvres se situent souvent à la limite du surréalisme, avec des qualités de texture qui soulignent leur abstraction. 

Au cours de cette période, peut-être encouragé par la course à l'espace qui obsède les sociétés occidentales de l'époque, l'artiste développe aussi une profonde fascination pour le ciel étoilé de Sedona, cherchant à le capturer à maintes reprises. 

« Au cours du siècle dernier, l'importance du soleil, des lunes, des constellations, des nébuleuses, des galaxies et de tout l'espace entourant la zone terrestre est devenue de plus en plus présente dans la conscience humaine. Elle s'est enracinée dans mes propres œuvres et y restera probablement pour toujours. » 
Max Ernst, dans Max Ernst : A Retrospective, Munich, 1991.

5.

Collectionner Max Ernst

Rares sur le marché et d'une importance capitale dans l'histoire de l'art moderne, les peintures et sculptures originales de Max Ernst atteignent à juste titre des prix très élevés. Lors de la vente surréaliste organisée en 2021 par Bonhams, son huile sur toile Comète de 1951 s'est vendue 250 250 £, tandis que La Tourangelle a été adjugée 162 750 £. En 2016, Bonhams a également vendu l'œuvre Tremblement de terre printanier pour 1 147 500 $. 

Mais l'artiste était aussi un fervent adepte des techniques d'impression : il a produit un nombre important d'œuvres sur papier offrant des prix plus accessibles aux collectionneurs novices. Par exemple, lors d'une vente Bonhams à New York, sa collection d'eaux-fortes La Brebis Galante de 1949 est partie pour 2 040 dollars, et ses six eaux-fortes La Rose est Nue de 1961 ont trouvé preneur pour 1 530 dollars. 

« Les œuvres d'Ernst datant des années 1940 et antérieures sont les plus cotées. Si les dix meilleures ventes aux enchères concernaient des peintures à l'huile du début de sa carrière, les œuvres sur papier de l'artiste offrent une porte d'entrée beaucoup plus abordable et illustrent certaines de ses techniques surréalistes clés, telles que le frottage et le collage. » 
Ruth Woodbridge, spécialiste Art moderne et impressionniste

Une sélection d'œuvres de Max Ernst sera proposée aux enchères lors de la vente La Révolution Surréaliste qui se tiendra le 29 mars 2023 à Paris, aux côtés de chefs-d'œuvre d'autres acteurs majeurs du surréalisme tels que Salvador Dalí, André Breton, Léon Tutundjian, Paul Delvaux, Jane Graverol, Victor Brauner et Man Ray. Consultez la vente pour en savoir plus. 

Lot 151. Max Ernst & Marie Berthe-Aurenche, Portrait d'André Breton, 1930, huile sur toile, 60 x 73 cm. Estimation : 400 000 - 600 000€.

Lot 151. Max Ernst & Marie Berthe-Aurenche, Portrait d'André Breton, 1930, huile sur toile, 60 x 73 cm. Estimation : 400 000 - 600 000€.

Lot 150. Max Ernst, Roi Reine Fou, bronze à patine noire, signé et numéroté «33/35 Max Ernst». Estimation : 14 000 - 18 000€.

Lot 150. Max Ernst, Roi Reine Fou, bronze à patine noire, signé et numéroté «33/35 Max Ernst». Estimation : 14 000 - 18 000€.

Lot 50. Max Ernst, Lettre autographe signée à Christian Zervos, vers 1939. Estimation : 800 - 1 000€.

Lot 50. Max Ernst, Lettre autographe signée à Christian Zervos, vers 1939. Estimation : 800 - 1 000€.